samedi 29 octobre 2011

De la frustration du khâgneux.

L'autre jour, je déjeunais avec une amie en L2 de Sciences du Langage. On parlait cours, profs, partiels, concours blancs et tout ça, et tout allait très bien jusqu'à ce que l'on cause orientation. Lorsque mon amie m'a demandé quelle école j'allais intégrer l'année prochaine, j'ai répondu assez naturellement "Ah mais, je vais en fac l'année prochaine. Fac d'histoire, en L3". Devant son étonnement, je lui ai expliqué fermement qu'en prépa littéraire, on ne pouvait pas trop compter sur les concours et que la possibilité d'avoir une école quelconque était somme toute assez mince.
"Mais alors, tu vas faire quoi après ta licence?"
"Eh bien, c'est simple : après je chercherai un Master qui me branche!"

Silence de sa part. Puis :
"Mais...alors...ça t'auras servi à QUOI de faire prépa?"
Oh, oh.
A ce moment-là, j'ai ressenti une immense frustration (et un grand moment de solitude, j'avoue). 
Quoi répondre à ça? Comment dire? Comment expliquer? Que dire sans passer pour une paumée, une perdue, ou une tarée? Comment convaincre les gens que faire deux ans de prépa puis se retrouver en L3 à l'université n'est pas inutile, n'est pas un échec, n'est pas une perte de temps? Comment, mais COMMENT expliquer ça CLAIREMENT, une BONNE FOIS POUR TOUTE? De toute façon, comment quelqu'un qui n'a pas fait de prépa pourrait-il seulement comprendre?
Je ne sais pas comment faire comprendre que "finir" an fac après une khâgne ce n'est pas dommage; que la prépa m'aura plus apporté en deux ans que huit années d'études à la fac, etc?
Oui, je me suis sentie frustrée, parce qu'incapable d'expliquer tout cela. Disons que j'aurai pu, oui, formuler ces mots, présenter ce type d'argument, mais je sais que je n'aurais pas été comprise, que cela aurait été peine perdue, et que j'aurais tout juste eu droit à un petit hochement de tête significatif, du style : "Ouais...si tu le dis".
J'ai donc bafouillé un simple "Euh, j'aurais appris pleins de choses", peu convaincu. En même temps, je ne voulais pas répondre quelque chose qui aurait pu donner l'impression que je me sentais supérieure, plus intelligente, plus cultivée ou je ne sais quoi. Même si dans mon coeur j'avais envie de hurler "MAIS AU MOINS MOI J'AI DE LA CULTURE! JE SAIS DES TAS DE CHOSES! J'AI APPRIS A PENSER, ET A ECRIRE! ET CA ME PLAIT!".
Mais bon, ce n'est pas le genre de choses que l'on dit quand on est bien élevé.

Est-ce que vous avez déjà été confronté à ce genre de situation? Où vous vous sentez incompris de par votre choix d'entrer en hypokhâgne? Où vous avez l'impression que personne ne peut comprendre ce que c'est que la prépa littéraire, à quoi ça sert, à quoi ça mène? Où on vous dit que c'est "dommage" d'aller à la fac ensuite? Que c'est sans débouché aucun? Et où vous sentez totalement impuissants? Je ne sais pas si c'est normal de penser ça.


Quoi qu'il en soit, il faut que je me remette un peu au travail. C'était assez dur, ces derniers jours; j'avais surtout envie de dormir, de profiter de mes vacances à ne rien faire, de regarder la télé, même les trucs les plus abêtissants. Mais je culpabilise tant d'autre part. Allez. Hauts les coeurs, je m'attaque au latin.





Pour une matinée de bonne humeur.

10 commentaires:

  1. Aussi khâgneuse, je viens de découvrir ton blog je le trouve vraiment bien fait! Profite un peu de ces quelques jours de répit!! Bon courage, je repars dans ma philo...

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  2. Elle est vraiment si mince, la chance d'obtenir une école ? >_<'

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  3. Ah... mes amis ne comprennent pas comment je peux avoir autant de devoirs. Ils ne comprennent pas que je n'ai pas de partiels. Ils ne comprennent pas que je bosse dans un lycée mais sinon, tout va bien. =P

    En fait le pire c'est de se dire que oui, on ne sait pas où aller après.

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  4. Merci pour ton commentaire au fait ;)
    Ben si tu veux, la prépa y a l'ENS au bout, et la fac, des partiels, donc c'est un peu normal que les attentes et le boulot à fournir ne soient pas les mêmes xD mais si on veut vraiment être balèze en fac et majorer à ses partiels, faut bosser comme un prépa, j'avoue. Moi ce qui me fait peur c'est les 3 heures de dissert' au lieu de 5h. J'arrive pas à m'le foutre dans l'crâne. "Mais en 3h j'arrive à peine à ma première transition !!!"
    Pour en revenir à ton article, les questions de fakheux ça déstabilise ^^ "donc en fait si t'as pas ton école tu redeviens normal" ah putain merci quoi. En même temps c'pas faux. Mais au moins quand on te cause de Nicolas Bouvier et de mimesis t'affiches pas un air bovin.

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  5. @Anonyme: Bon courage à toi aussi ;)

    @June: Sans vouloir être trop pessimiste, oui. Si l'on regarde les stats pour le concours 2011, le taux d'intégration à l'ENS a été de...3,9%. A peine 200 admis sur environ 5000 candidats. Et si on englobe toutes les écoles de la BEL, évidemment il y a plus d'admis : environ 18% des khâgneux ont eu une école (mais ce chiffre est sûrement plus faible en réalité, par établir les stats pour la BEL relèvent du parcours du combattant...). Bref, si on est vraiment réaliste, c'est pas gagné d'avance.

    @Epsilon: C'est justement le fait qu'on ne sache pas où s'orienter après la prépa, que l'hypokhâgne apparaît aux yeux de beaucoup comme un simple "sursis" à la fac (et donc comme une forme d'échec...Malheureusement).

    @Ushio: On oublie souvent en effet que si l'on veut être au top en fac, c'est pas forcément moins dur que d'être en prépa. Les conditions sont justes différentes (en on a tendance à caricaturer en prenant le khâgneux super sérieux qui sue à longueur de temps et le gros glandeur de la fac qui valide ses partiels sans rien faire...).

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  6. Oui, on vit tous des situations dans ce genre. Une fois, j'étais chez un pote fakhârd, au début des vacances (j'étais donc une loque humaine), qui m'a sorti "je suis sur que vous pourriez obtenir les mêmes résultats en travaillant 6 fois moins". Evidemment j'ai souri et répondu "Hm. Je sais pas..." mais je voulais juste lui dire "Oui, tu as raison, en fait on est tous tellement maso qu'on se tue au travail par plaisir alors qu'on pourrait simplement intégrer toutes les connaissances en dormant 10h par nuit ! On bête hein !". Si il trouve la formule magique, qu'il la brevette, il fera fortune !

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  7. Un khâgneux historien de passage31 octobre 2011 à 00:43

    La prépa ne prépare pas uniquement aux concours de la BEL elle prépare... à tous les concours que l'on pourra passer dans notre vie ; la majorité des agrégés ont fait une prépa... ce n'est pas un hasard. Donc la prépa sert aussi à réussir l'agreg et le capes et bien d'autres choses, ses bénéfices sont bien réels mais indirects.

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  8. Alternative: être dans "une grande prépa parisienne" (suivez mon regard), cuber, avoir des amis qui ont intégré (Ulm, Lyon, HEC ou l'ESSEC, jvous jure j'ai pas choisi mes amis pour leurs résultats scolaires), ne connaître de la fac que des gens qui sont en médecine (et qui ont eu leur P1 du premier coup, tant qu'à faire), et s'entendre dire régulièrement: "oh allez, t'inquiète pas, tu vas réussir, même moi j'ai réussi. L'année du concours, c'est chiant, mais ça va le faire, hein. Et puis, t'as vachement de chance, t'as le droit de les repasser, ces concours. Et t'as même eu le droit de cuber pour ça. Keep smiling, on préparera bien ton intégration. Oh et puis, si tu sais pas ce que tu veux faire l'année prochaine ou à quelle équivalence t'inscrire, c'est pas grave hein. A Ulm tu peux tout faire." Et à côté de ça, se battre pour la moyenne (en cube, quand même..). Donc oui, quand personne ne parle de la fac autour de toi et que les gens t'imaginent dans leur école, tu finis par croire que la fac, c'est l'échec de ta vie. Au fait, il se passe quoi à la vraie fac?

    (June: ça dépend de ta prépa.. et de ce que tu vises. Chez moi, peu de gens passaient les écoles de commerce. Parmi ceux là, beaucoup ne passaient que les parisiennes. Tu as logiquement plus de chances de cuber, ou d'aller à la fac, si tu ne t'inscris qu'aux ENS.)

    Courage Justine! La semaine sera courte. Et dans celle d'après, il y aura le 11 novembre, donc un week-end de trois jours, youhou!

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  9. "Et dans celle d'après, il y aura le 11 novembre, donc un week-end de trois jours, youhou!"

    Ça c'est quand ton prof d'anglais n'a pas eu la lumineuse idée de placer un DS le samedi 12 ...

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  10. Je rebondis sur l'anonyme précédent: 8 mois plus tard, mon DS de latin ce même jour me rappelle de délicieuses envies de meurtres
    (ceci est un commentaire tout à fait utile à l'humanité, ouioui)

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