"Mais alors, tu vas faire quoi après ta licence?"
"Eh bien, c'est simple : après je chercherai un Master qui me branche!"
Silence de sa part. Puis :
"Mais...alors...ça t'auras servi à QUOI de faire prépa?"
Oh, oh.
A ce moment-là, j'ai ressenti une immense frustration (et un grand moment de solitude, j'avoue).
Quoi répondre à ça? Comment dire? Comment expliquer? Que dire sans passer pour une paumée, une perdue, ou une tarée? Comment convaincre les gens que faire deux ans de prépa puis se retrouver en L3 à l'université n'est pas inutile, n'est pas un échec, n'est pas une perte de temps? Comment, mais COMMENT expliquer ça CLAIREMENT, une BONNE FOIS POUR TOUTE? De toute façon, comment quelqu'un qui n'a pas fait de prépa pourrait-il seulement comprendre?
Je ne sais pas comment faire comprendre que "finir" an fac après une khâgne ce n'est pas dommage; que la prépa m'aura plus apporté en deux ans que huit années d'études à la fac, etc?
Oui, je me suis sentie frustrée, parce qu'incapable d'expliquer tout cela. Disons que j'aurai pu, oui, formuler ces mots, présenter ce type d'argument, mais je sais que je n'aurais pas été comprise, que cela aurait été peine perdue, et que j'aurais tout juste eu droit à un petit hochement de tête significatif, du style : "Ouais...si tu le dis".
J'ai donc bafouillé un simple "Euh, j'aurais appris pleins de choses", peu convaincu. En même temps, je ne voulais pas répondre quelque chose qui aurait pu donner l'impression que je me sentais supérieure, plus intelligente, plus cultivée ou je ne sais quoi. Même si dans mon coeur j'avais envie de hurler "MAIS AU MOINS MOI J'AI DE LA CULTURE! JE SAIS DES TAS DE CHOSES! J'AI APPRIS A PENSER, ET A ECRIRE! ET CA ME PLAIT!".
Mais bon, ce n'est pas le genre de choses que l'on dit quand on est bien élevé.
Est-ce que vous avez déjà été confronté à ce genre de situation? Où vous vous sentez incompris de par votre choix d'entrer en hypokhâgne? Où vous avez l'impression que personne ne peut comprendre ce que c'est que la prépa littéraire, à quoi ça sert, à quoi ça mène? Où on vous dit que c'est "dommage" d'aller à la fac ensuite? Que c'est sans débouché aucun? Et où vous sentez totalement impuissants? Je ne sais pas si c'est normal de penser ça.
Quoi qu'il en soit, il faut que je me remette un peu au travail. C'était assez dur, ces derniers jours; j'avais surtout envie de dormir, de profiter de mes vacances à ne rien faire, de regarder la télé, même les trucs les plus abêtissants. Mais je culpabilise tant d'autre part. Allez. Hauts les coeurs, je m'attaque au latin.
Pour une matinée de bonne humeur.